La foi et la politique.
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Alors que nous approchons d’échéances importantes au regard de la politique locale, dans un pays fortement marqué par la séparation des églises et de l’état, nous pourrions nous demander si des gens étant considérés comme des croyants peuvent s’engager en politique.
« Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu … Mais mon royaume n’est pas d’ici. » (Jn 18, 36)
Les chrétiens, alors qu’ils ont leur regard tourné vers « un royaume qui n’est pas de ce monde », seraient-ils de ceux qui renonceraient à̀ s’engager dans un effort de transformation de la société ? Non, nous croyons au contraire que la foi peut être un moteur puissant de changement social. L’Esprit de l’Évangile nous pousse à ne pas nous satisfaire de l’état du monde, et particulièrement de tout ce qui blesse l’être humain (Image de Dieu) et son environnement (Création). Comment pourrait alors se traduire cet engagement ? On peut distinguer deux grands domaines :
1 – L’éducation : Le monde se transforme à mesure que les personnes individuelles modifient leurs attitudes et deviennent plus respectueuses de la création, des autres créatures humaines, de la justice et de l’équité. Transformer le monde signifie alors s’investir dans un effort sur soi, et sur ceux qui se trouvent dans notre zone d’influence éducative. Le Pape François, dans cette encyclique sociale importante qu’est Laudato Sii, nous indique que « tout changement à besoin d’un chemin éducatif » (n°5).
2 – La politique : Tout en accordant une grande place à l’engagement éducatif, nous ne devons pas déserter le champ politique, car l’organisation sociale peut favoriser, comme elle peut entraver, le développement humain intégral visé par l’éducation déployée. L’enseignement social de l’Église parlera parfois, selon l’expression de Jean- Paul II, de « structure de péché » pouvant caractériser certains modes d’organisation du vivre ensemble. C’est donc véritablement un devoir pour les chrétiens de s’engager non seulement dans une conversion individuelle, mais aussi dans un effort de modification de l’organisation de la société. Avec d’autres traditions religieuses les disciples de Jésus se sont nourris de ces paroles du prophète Isaïe :
« Ne savez-vous pas quel est le jeûne qui me plaît ? Oracle du Seigneur Yahvé : Rompre les chaînes injustes, délier les liens du joug ; renvoyer libre les opprimés, briser tous les jougs ; partager ton pain avec l’affamé, héberger les pauvres sans abri, vêtir celui que tu vois nu et ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair. Alors ta lumière poindra comme l’aurore… » (Is 58, 6-8)
La conception que nous avons de l’homme, de sa place dans la société et dans l’environnement, devrait parfois nous conduire à prendre position au regard du respect de la nature, de la protection de la vie, de l’aménagement du territoire, d’une juste redistribution des richesses, de la participation de tous au bien commun, de l’accueil des plus fragiles, etc. Il ne s’agit pas nécessairement de s’engager dans des choix de politiques politiciennes ou partisanes, mais de faire droit « au politique » au sens où l’entendait Václav Havel, ou encore le Pape Pie XI qui le définissait comme étant : « Le champ le plus vaste de la charité ».
Alors, oui, nous nous réjouissons de ce que les membres des communautés chrétiennes s’intéressent à la politique et s’engagent en politique. À la condition, bien évidemment, que les projets qu’ils veulent mettre en avant, et que le « style » de leur engagement, corresponde à la vision de l’homme portée par l’Évangile du Christ.
Et si nous lisions ou relisions la lettre du Pape François, Laudato Si, en cette période d’agitation sociale et d’élections municipales… C’est la grande encyclique sociale du début du XXIème siècle !
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix