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Se remettre à marcher lentement

(ou fuir la tentation de la vitesse)

Notre manière de nous précipiter, d’accélérer notre course, notre pas, ou nos déplacements ; nos gestes brusques ; notre réaction impulsive ; Tout cela nous éloigne de notre unité intérieure, nous conduit à ne pas laisser l’esprit et le cœur orienter de nos chemins de vie. Nous cachons mal notre angoisse de mort, ou encore notre volonté de tout maîtriser, en tendant à mettre une quantité innombrable d’actions dans un temps limité. Nous voulons mettre de l’infini dans du fini, et nous entretenons ainsi une frustration qui n’aura pas d’issue. Pourquoi vouloir aller de plus en plus vite d’un point à un autre, avec des trains à grande vitesse ou des avions supersoniques ? Aurions-nous oublié que le temps du voyage à une valeur en lui-même, et qu’ils souvent habité de mille richesses ?

La lenteur c’est le rythme du marcheur, du montagnard, du pèlerin, du moine mendiant et itinérant, et finalement du penseur et du maître spirituel. Une certaine lenteur est indispensable au travail de l’esprit et de la mémoire. Relisons ces quelques lignes de Milan Kundera : « Évoquons une situation on ne peut plus banale : un homme marche dans la rue, soudain il veut se rappeler quelque chose, mais le souvenir lui échappe. A ce moment machinalement, il ralentit son pas …/… Le degré de la lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli » (La Lenteur)

La lenteur est nécessaire au discernement… Peu de bons choix se font dans la précipitation (sauf à avoir acquis des « habitus », longuement préparés par un lent et fastidieux travail. Ces habitudes constituent alors en nous comme une seconde nature, nous expliquait Félix Ravaisson).

En ce temps de l’Église où nous voudrions parfois faire face à tout ce que faisaient nos prédécesseurs avec d’importants moyens (humains et économiques), nous risquons en raison de notre désir d’agir vite, de tomber dans une agitation stérile, plutôt que de nous laisser conduire par le souffle de l’Esprit. Paul dirait alors que nous sommes « affairés sans rien faire » (2 Th 3, 11), sans rien construire qui soit vraiment utile.

Alors si nous nous remettions à marcher lentement ? Si nous cessions de nous agiter pour avancer calmement et sereinement dans la direction que l’Esprit nous indique ? Il s’agit aussi de « trouver notre miel » dans un temps rythmé par l’écoute (de Dieu et des autres), le conseil, la synodalité…

+ Jean-Marc EYCHENNE – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix