MOTU PROPRIO – Quelques points d’attention

par | 28/07/2021

 

Le Pape François vient de nous adresser (le 16 juillet 2021) une lettre apostolique qui renferme des décisions prise de sa propre initiative (Motu Proprio). Son titre est Traditionis Custodes.

Cette lettre a été déjà beaucoup commentée, non parce qu’elle était inattendue, mais plutôt parce que son ton est solennel et ferme, et parce qu’elle revient sur des décisions qu’avaient prises ses deux prédécesseurs.

Pour bien la comprendre, il est utile de lire aussi une autre lettre qu’il a adressé aux évêques pour accompagner son texte normatif. Vous trouverez plus bas, le lien vous permettant d’y accéder.

J’attire simplement votre attention sur quelques points qui pourraient faciliter notre compréhension, notre réception, et donc aussi notre mise en œuvre, des attentes du Pape François.

Un a priori de bienveillance.

Il est sans doute de bon aloi, quand celui qui reçoit la mission d’être le Serviteur des Serviteurs de Dieu s’adresse à nous, d’accueillir ses propos avec un a priori de bienveillance. Même lorsque l’on ne comprend pas, en première intention, la raison des décisions prises. Même lorsque cela nous heurte ou nous blesse… Ai-je conscience que je ne dispose pas de tous les éléments qui ont conduit à ces décisions ? Vais-je analyser, essayer d’entrer dans l’argumentation, demander conseil, et enfin prier longuement, avant de réagir ?

Les réactions épidermiques, immédiates, sans recul, que les réseaux sociaux favorisent, laissent peu de place au discernement, aux paroles choisies… Ne soyons pas trop prompts à réagir ou sur-réagir, car le « malin » pourrait aisément se glisser ici et nous faire poser des paroles et des actes de défiance portant atteinte à l’unité de notre Église. Hannah Arendt disait que « c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ». Or pour discerner, penser, il faut du temps…

Un appel adressé à tous.

Le Pape, même s’il aborde surtout la question spécifique de l’attachement de certains membres du Peuple de Dieu à un ordo missae précédant la réforme liturgique, nous invite tous à examiner, puis à réajuster notre relation à l’Eucharistie, « source et sommet de la vie de l’Église ». Ce mystère si grand et si central dans notre vie de foi ne peut être livré, tantôt à nos besoins de créativité, tantôt à une mode, tantôt à notre nostalgie ou à telle ou telle autre de nos émotions. L’Eucharistie ne nous appartient pas, elle appartient à l’Église du Christ. Elle ne peut être instrumentalisée à des fins personnelles. Or, d’une manière ou d’une autre, toutes sensibilités confondues, nous avons parfois succombé à cette tentation. On ne peut pas se servir de ce lieu privilégié de l’expression de notre foi commune, pour en faire le lieu de la mise en scène de soi et de son petit groupe d’appartenance. Certains ont parfois confondu la messe avec une paraliturgie, d’autres en ont fait un marqueur social. Tous, nous sommes appelés à approfondir notre théologie et notre spiritualité de l’Eucharistie.

Le chemin de l’obéissance.

Comment faire pour ne pas tomber, ou ne pas tomber gravement, dans ce travers (instrumentalisation) ? Toute l’histoire de la Liturgie est faite d’adaptation de l’expression priante de la foi et du commandement du Seigneur lors de la Dernière Cêne (…faites ceci…), à une culture, une langue, un peuple de croyants. Les Églises Locales (diocèses), les ordres religieux, ont donné origine à un riche patrimoine dont nous sommes les héritiers.

Mais le chemin permettant de se déprendre de soi et de s’assurer que nous ne nous servons pas de la Messe au lieu de la servir, est celui de l’obéissance. Ce mot n’est pas très à la mode pour une société si marquée par l’individualisme, mais c’est ici le maître mot. De temps à autre nous avons besoin d’un « reset » pour remettre un peu d’unité. Saint Pie V l’avait fait en abolissant les rituels ayant précédé son missel. Le Pape François le fait aujourd’hui en décidant que les livres liturgiques conformes au Concile Vatican II sont la seule expression de la prière liturgique du Rite Romain. Il indique aussi clairement que « c’est l’évêque diocésain, en tant que modérateur, promoteur et gardien de toute la vie liturgique dans l’Église particulière qui lui est confiée, qui est chargé de régler les célébrations liturgiques dans son propre diocèse ».

Les évêques dont je suis vont devoir se ressaisir de cette dimension de leur ministère.

Face à la douleur et à l’inquiétude.

Le Pape François nous exprime sa douleur et son inquiétude. En effet, les fruits d’unité et de communion, espérés par ses prédécesseurs, en bien des endroits, n’ont pas vu le jour. La distance s’est même parfois accentuée au point que certains finissaient par penser être la « vraie Église » en contraposition avec l’église conciliaire qui se serait fourvoyée.

Il y a de la douleur et de l’inquiétude aussi chez ceux qui avaient accueilli avec reconnaissance la possibilité offerte de célébrer la messe selon le missel promulgué par le bienheureux Jean XIII, et étaient sur ce chemin d’unité et d’enrichissement mutuel souhaité par Saint Jean-Paul II et le Pape Émérite Benoît XVI. Avec eux, conscient de cette douleur, nous veillerons fraternellement à ce qu’elle ne se transforme pas en amertume. Nous étudierons, paisiblement et progressivement, comment mettre en œuvre les appels de notre Pape, pour le bien de notre Église, et pour pouvoir ensemble, avec une plus grande unité, annoncer le Christ et son Évangile à nos contemporains.

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix.

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Motu Proprio :


Lettre aux Évêques :  https://fr.zenit.org/2021/07/16/lettre-aux-eveques-sur-le-motu-proprio-traditionis-custodes-traduction-complete/