Ou, comment le fait de marcher peut nous sauver !

Parmi les loisir simples, économes en énergie, que nous redécouvrons aujourd’hui, la marche se situe en très bonne place. Spontanément, comme chercheurs de Dieu et habitués aux itinéraires spirituels, nous pensons aux Chemins de Saint Jacques de Compostelle, aux Routes d’Assise, ou plus simplement aux sentiers qui conduisent vers nos chapelles mariales (Notre Dame de Celles ; Notre Dame de L’Izard ; et biens d’autres…) Mais nombre de nos contemporains qui ne se reconnaissent pas comme croyants peuvent être aperçus sur les voies vertes, chemins de halages longeant les canaux, ou autres sentiers de randonnés. 

Ce besoin de marcher pourrait s’apparenter à une sorte de frénésie collective. Comme si nous comprenions inconsciemment que c’est dans cette pratique que peuvent se situer, tant notre salut individuel qu’une une sorte de sursaut collectif pouvant nous éloigner d’une catastrophe humaine et écologique. Jean Giono, le grand écrivain de Manosque nous adressait déjà, au début du XXème siècle, l’invitation suivante : « Si tu n’arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore ».

« Si tu n’arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore ».

Les vertus thérapeutiques, intellectuelles et spirituelles de la marche ne font plus guère de doute ; à condition bien sûr, de ne pas dévoyer cet art par la recherche de l’exploit ou de la performance. Elle ne serait plus alors un antidote à la folle idéologie de la croissance, source de tant de maux, mais son néfaste prolongement. Nous ne chercherons pas, en chemin, à faire mieux, à marcher plus vite que notre compagnon de route, mais nous alignerons nos pas sur les siens afin de retisser ces liens distendus (et parfois rompus) par l’esprit de compétition dont notre culture est si imprégnée. De respiration en respiration, halte après halte, paysage après paysage, nous entrerons à nouveau dans une communion qui nous réhumanisera. Alors le cri de la terre et le cri de ce pauvre qu’est l’autre (et que je suis moi aussi) ne ferons plus qu’un. Nous pourrons revenir de notre route de pèlerinage riche d’une nouvelle sagesse pour affronter nos responsabilités.

Ce beau texte (Prière du Congrès européen des pèlerinages) peut nous aider dans cette prise de conscience des vertus de la marche :

Tu es né pour la route.
Marche.

Tu as rendez-vous.
Où ? Avec qui ? Tu ne le sais pas encore…
Avec toi, peut-être ?
Marche.

Tes pas seront tes mots.
Le chemin, ta chanson.
La fatigue, ta prière.
Et ton silence, enfin, te parlera.

Marche seul, avec d’autres, mais sors de chez toi.
Tu te fabriquais des rivaux : tu trouveras des compagnons.
Tu te voyais des ennemis : tu te feras des frères.
Marche.

Ta tête ne sait pas où tes pieds conduisent ton cœur.
Marche.

Tu es né pour la route,
celle du pèlerinage.

Un Autre marche avec toi et te cherche pour que tu puisses le trouver.
Il est ta Paix
Il est ta Joie
Va
Déjà, ton Dieu marche avec toi.

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix