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Les « liturgies du seuil »

par | 21/07/2022

Fêtes locales dans les villages – Les « liturgies du seuil »

Il est assez fréquent que les jeunes responsables de l’école de musique (pour la Sainte Cécile), la présidente du comité des fêtes (pour la fête de son village), ou encore une municipalité (pour le 11 novembre), nous demandent une « messe » en ces occasions. Doit-on mettre derrière ce mot « messe », utilisé souvent par commodité, toute la charge de son contenu traditionnel ?

Nous nous trouvons dans un pays pour lequel le taux de pratique de la messe dominicale avoisine désormais les 2%. Ceci nous permet de comprendre que nombre de ceux qui seront rassemblés pour ce type d’événement, non seulement ne sont pas (ou ne sont plus) initiés aux « mystères » qui se célèbrent dans la Sacrement Pascal, mais ils ne sont pas non plus catéchumènes ; ils ne demandent pas à vivre un itinéraire de foi et de conversion.

Il nous faut entendre cette demande (la messe), mais tout en la prenant pour ce qu’elle est véritablement. Il s’agit souvent, pour ceux qui expriment ce souhait, d’avoir l’intention de vivre dans l’église de la commune, un temps souvent qualifié de « spirituel », sans qu’il soit pour autant possible d’en dire beaucoup plus sur ce attente. Alors comment répondre de façon adéquate à cette demande tout en ne nous berçant pas de l’illusion nous donnant à croire que nos contemporains seraient encore chrétiens ou même catholiques ?

Le travail réalisé par la fraternité diaconale de notre diocèse (l’ensemble des diacres permanents), intitulé : « Petit guide pour célébrer à l’église lors d’une fête de village », représente une tentative de proposer une démarche spirituelle, éclairée par la Parole de Dieu, mais aussi par d’autres sources de sagesse, en ces occasions décrites plus haut. Il s’agit de développer ce que nous pourrions appeler une « liturgie du seuil », susceptible peut-être (si le Seigneur le souhaite) de donner envie, un jour, aux personnes présentes d’aller plus loin et de franchir ce fameux « seuil ». Ils seraient alors, peu à peu, « initiés », « admis aux mystères ».

Certes, nous connaissons tous des non croyants ou des recommençants qui ont été saisis alors qu’ils avaient été associés sans préalable à une messe ou à un temps d’adoration eucharistique. Dieu peut tout, il reste le maître du jeu, et choisit parfois de se passer de nos pédagogies d’évangélisation, pour transporter les cœurs. Mais une démarche non adaptée, trop brutale, peut aussi éloigner durablement quelqu’un qui cherche rencontrer le Seigneur. Saint Paul s’adressant à la communauté de Corinthe, nous aide à comprendre cela : « Frères, quand je me suis adressé à vous, je n’ai pas pu vous parler comme à des spirituels, mais comme à des êtres seulement charnels, comme à des petits enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai donné, et non de la nourriture solide ; vous n’auriez pas pu en manger, et encore maintenant vous ne le pouvez pas. » (1 Cor 3, 1-2) Il nous invite clairement à cet apprivoisement, à cette initiation graduelle, à la profondeur des mystères.

Parfois il semblerait que nous ne sachions que célébrer la messe et que, faute de pouvoir le faire (le nombre de prêtres continuant à diminuer), nous ne puissions pas proposer un chemin d’approche qui, lui, pourrait être mis en œuvre par tout baptisé, sans qu’il soit nécessairement ministre ordonné (prêtre ou diacre). Cela décuplerait nos capacités d’annonce, puisque le nombre de disciples-missionnaires, non seulement est important, mais grandit de jour en jour à mesure que nous redécouvrons les potentialités de notre baptême.

Serons-nous assez apôtres, assez audacieux, pour nous engager dans ces « liturgies du seuil » avec nos petites fraternités de proximité ? Que le Seigneur nous en fasse la grâce.

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix.