Noël : « Un appel à une vie sobre et joyeuse qui, depuis plus de 2000 ans, peine à se faire entendre. »
Un enfant d’une pauvre et humble famille de Nazareth vient au monde. Ceux qui le vénèrent voient en lui Dieu lui-même venant en notre humanité, afin de lui apporter le Salut. Pourquoi, et de quoi, les hommes ont-ils besoin d’être sauvés ? Sans aucun doute de cette forme de folie qui les conduit à voir leur bonheur dans des logiques de possession et de domination, qui les éloigne de leur nature profonde faite pour le partage et pour une humble et douce relation à tous les êtres, à commencer par leurs frères humains. Or « du haut des cieux le Seigneur se penche » (Ps 13, 2) et il voit bien que la direction dans laquelle s’engagent les hommes, avec entêtement est, encore et encore, celle de la démesure : toujours plus, toujours plus grand, toujours plus vite. Et ceci malgré de nombreux avertissements relayés par tant de prophètes et de sages. Alors, un jour, le Seigneur ne se contente plus de regarder depuis les hauteurs, ou d’inspirer quelques paroles de feu à des fous de Dieu ; il vient lui-même, en Jésus son Fils. Non seulement il va ouvrir une voie, montrer le chemin (« Je suis le chemin, la vérité, la vie. » Jn 14, 6), mais il va nous configurer à Lui, en nous faisant le don de son Esprit, pour qu’enfin nous soyons des hommes et des femmes établis dans la plénitude de leur humanité ; des hommes et des femmes vivant les béatitudes : bienheureux les doux ; bienheureux les artisans de paix ; bienheureux les pauvres… (Mt 5, 3-12)
Ce message s’est répandu comme une trainée de poudre, il a imprégné bien des cultures de l’humanité, et il continue à être portée par les communautés chrétiennes. La personne du Christ reste captivante pour nombre de nos contemporains. Mais force est de constater qu’une grande part de l’humanité, incluant bien des chrétiens, reste dans une logique de possession plutôt que de don et que, ce faisant, c’est une situation d’effondrement écologique et social que nous pourrions devoir affronter.
Il y a vraiment d’autres alternatives, et le pauvre enfant de Bethléem est venu il y a plus de 2000 ans – et vient encore aujourd’hui – afin de nous engager dans une forme de « contrepied » à la culture consumériste qui semble toujours vouloir s’imposer. Des courants de pensée, ne s’inspirant pas tous du christianisme, attirent aussi notre attention sur ce qui fait notre dignité véritable. Pierre Rabhi par exemple, récemment décédé, s’exprimait ainsi : « Il nous faudra répondre à notre véritable vocation, qui n’est pas de produire et de consommer jusqu’à la fin de nos vies, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. »
L’appel de Noël, le message de cet enfant, qui ne vient pas au milieu des ors de la royauté ou du pouvoir, mais dans une pauvre mangeoire, n’a peut-être jamais été aussi actuel ou aussi urgent à entendre. Il nous dit qu’il y a une vraie joie, un vrai bonheur pour chacun, à la condition de vivre comme lui une vraie sobriété en vivant avec Lui par sa grâce ; étant alors préoccupés bien plus de donner que de recevoir. Charles Péguy ne faisait-il pas dire au Christ s’adressant à Marie, sa mère : « Tout se vend et s’achète et se livre et s’emporte. Rien ne se donne plus et moi j’ai tout donné. » ?
Puissions-nous, par des choix individuels mais aussi collectifs, accueillir l’appel de Noël dans le concret de nos existences ? Ce sera la source de notre joie et de celle de cet enfant-Dieu.
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix
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