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« Avance ta main, et mets-la dans mon côté. »

Chers frères diacres,

Ce dimanche de la Miséricorde, et les textes de la Parole de Dieu qui y sont associés, m’invitent à vous adresser quelques mots en lien avec les intuitions spirituelles suscitées en moi par tout cela.

En préparant un commentaire de la Parole pour la messe « virtuelle » que je devais célébrer sur la chaîne YouTube du diocèse, je n’ai pas quitté des yeux l’apôtre Thomas et la représentation que fait le Caravage de son dialogue avec le Christ, dans la Chambre Haute.

En résumant sur un compte Twitter ce qui m’apparaissait avec un peu de clarté, j’écrivais « voir les plaies et approcher mes mains d’elles. Celles du Christ et, avec elles et derrière elles, les miennes (mes plaies physiques, psychologiques, affectives, spirituelles) et les plaies de tous les hommes, (particulièrement les plus blessés dans leur âme ou dans leur corps).C’est en cela que je passe de l’incrédulité à la foi.  Nous sommes appelés à redevenir un monde, et une Église, de soignants. »

Pour le dire autrement, il semble que nous soyons sommés de remettre au centre la « diaconie », le service des frères, l’attention aux plus petits. En contournant une formule qui, en son temps, a fait florès, nous nous rendons compte que ce qui permet à notre monde de rester debout et de faire face à l’épreuve, ce ne sont pas « les premiers de cordée, mais les premiers de corvée. » Cette prise de conscience de la reconnaissance que l’on doit à ceux-là (celles-là) s’exprime de mille manières, allant des applaudissements depuis les fenêtres, en passant par des repas préparés et offerts, l’envoi de multiples dessins d’enfants, ou bien encore par des photos sous-titrées, pleines d’humour et de tendresse, postées sur Facebook ou Instagram…

Que serions-nous sans ceux qui ne se ménagent aucunement pour le service des autres et du bien commun. Or, ce que nous redécouvrons comme essentiel pour l’équilibre du monde, nous le redécouvrons aussi pour l’Église du Christ. Oui, la diaconie n’est pas une activité périphérique de ceux et celles qui choisiraient de s’adonner à « des œuvres de charité » pour rendre quelque peu crédible le message d’amour annoncé. La diaconie est le cœur, elle est l’annonce elle-même ! Tout comme la Croix est la manifestation de l’amour de Dieu, en Jésus-Christ. Manifestation de Dieu qui est le Miséricordieux.

Comme diacre, ordonnés pour le service, vous êtes là pour être ceux qui rappellent à tous, la priorité à accorder à la plaie, à la blessure.

En vous voyant exercer votre ministère, nous nous rendons bien compte que vous portez cela. Vous pansez les blessures du deuil ; vous accueillez à la table conviviale la personne isolée ; vous épaulez la personne marquée par le handicap et la maladie ; vous ouvrez aux lumières de la Parole ; vous immergez dans les eaux du baptême pour la renaissance…

Comme le disait l’un d’entre vous (que je ne citerai pas pour ne pas le mettre mal à l’aise), si le sacrement de l’Ordre, dans ses trois degrés, puise ses racines au Jeudi-Saint, c’est dans le geste du lavement des pieds que le diaconat trouve son illustration la plus parlante. Tout cela étant éclairé de la plus belle façon dans l’hymne de l’Épitre aux Philippiens, du chapitre second.

« Lui qui est de condition divine n’a pas revendiqué son droit d’être traité comme l’égal de Dieu, 

Mais il s’est dépouillé

Prenant la condition d’esclave  …/…

Il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix… »

Gabriel Garcia Màrquez, écrivait dans une hymne à la vie : « J’ai appris qu’un homme n’a le droit d’en regarder un autre de haut que pour l’aider à se relever. » Quelle belle formule chrétienne et donc diaconale ! Combien de fois ai-je vu tel ou tel d’entre vous mettre un genou à terre, pour échanger « à hauteur d’homme » avec une personne en fauteuil roulant, à Lourdes ou lors de nos journées d’amitié de l’Hospitalité Diocésaine…

Je compte vraiment sur vous pour m’aider, nous aider, comme église diocésaine, à mettre les blessures de nos contemporains (derrière lesquelles se cache le Christ) au centre de notre pastorale. Sans vous nous ne changerons pas de culture, et malgré de beaux discours, nous peinerons toujours à mettre les plus petits et les plus blessés au centre. Nous risquerons d’être obsédés par des idées de reconquêtes, bien éloignées de l’Évangile de Jésus.

Vous êtes les jumeaux de Thomas allant avec tendresse et délicatesse poser vos mains sur des plaies encore ouvertes. Vos épouses (quand vous êtes mariés) vous accompagnent sur ce chemin (du reste certaines d’entre elles sont des soignantes au sens strict). Toutes portent en elles, pour vous, cette attention à ce qu’Anne Dufourmantelle appellera la « puissance de la douceur. » Elles contribuent, de façon essentielle à vous garder sur ce chemin de l’attention aux plus petits, comme en prolongement de votre agir bienveillant commun, auprès de vos enfants et petits-enfants. On ne dit sans doute pas assez la place de l’épouse d’un diacre permanent dans toutes les dimensions de son ministère…

Voici donc, mes frères, ce que je voulais, un peu maladroitement, vous dire. Vous n’êtes pas des « roues de secours », pour une église en manque de prêtres. Vous êtes consacrés, comme personne ne peut l’être à votre place, aux plaies du Christ, encore vives en beaucoup d’hommes et de femmes d’aujourd’hui. Vous êtes les jumeaux de Thomas, et je rends grâce à Dieu pour avoir fait ce cadeau que vous êtes à notre Église diocésaine.

Une question encore à vous partager. Je ne veux pas y apporter de réponse sans vous : Pourrions-nous imaginer que le dimanche de la Miséricorde soit, chaque année, pour notre église diocésaine, celui de la fête du diaconat ?

Très fraternellement en Notre Seigneur Ressuscité.

Fait à Pamiers, le dimanche de la Miséricorde 2020

+ Jean-Marc EYCHENNE – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix

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