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1117-2017 La grâce d’une cathédrale ou les 900 ans de la dédicace

par | 9/11/2017

Cathédrale Saint Lizier
1117 – 2017
900ème Anniversaire de sa « Dédicace »
« La Grâce d’une Cathédrale ! »
Nous sommes à la fin du XIème siècle et voici que débute, à l’intérieur des remparts de la cité de St Lizier, la construction de Notre-Dame de la Sède (« sède » qui signifie « Siège ») car elle est le siège de l’Evêque du Couserans. A cette même époque est édifiée une église « hors les murs » au lieu même où se tenait un oratoire qui aurait été élevé au temps de St Lizier et où son corps aurait été inhumé.
Pour Jourdain 1er, alors Evêque du Couserans (de 1094 à 1121), il apparaissait donc évident de choisir ce saint lieu datant du VIème siècle pour y faire bâtir une église digne du Saint Patron de sa cité et de son Diocèse.
Une fois édifié, Jourdain 1er fit appel à un ami, Raymond de Durban, Evêque du Diocèse de Barbastro et de Rhoda de Isabena pour en présider la Consécration par une cérémonie spéciale qui porte le nom de « Messe de la Dédicace » en novembre de l’an de grâce 1117. Par cette liturgie l’édifice devient pour les Catholiques « maison de Dieu parmi et pour les Hommes ».
Par décret de sa sainteté le pape Pie X, le 4 mars de l’an de grâce 1910, cette église bénéficia du rétablissement de son titre de Cathédrale qui avait été supprimé sous Napoléon 1er.

Une page d’actualité …
Et voici maintenant « une page d’actualité », de notre actualité, bien différente de celles qui nous sont habituellement véhiculées par les médias, où par les bruits de couloir ou les ragots colportés. Nous nous risquons à dire que c’est « une page d’actualité » à même de nous dévoiler « la réalité des profondeurs » qui est bien au-delà, aux antipodes même de l’ambiante superficialité ou de quelconques autres « mondanités ».
Ainsi donc, dimanche prochain, 12 novembre 2017, il nous est accordé « la Grâce » de commencer à célébrer le 900ème Anniversaire de la Consécration de la Cathédrale St Lizier.
Nous allons le faire par la célébration de la « Messe Anniversaire de la Dédicace » qui, bien évidemment, sera présidée par notre Evêque Monseigneur Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix … et successeur de Jourdain 1er.
Une liturgie solennelle, comme il se doit, pour célébrer un évènement dont la portée est exceptionnelle.
En effet, il ne s’agit pas seulement de faire mémoire d’une page d’histoire parmi tant d’autres, d’une simple commémoration humaine, ou même de célébrer des rites anciens aussi religieux soient-ils.
Dans notre foi catholique, la liturgie est l’oeuvre même de Dieu, « l’Opus Dei »… c’est Dieu à l’oeuvre dans une actualité et un présent éternel. Pour le dire autrement, c’est l’Oeuvre que Dieu a commencé à accomplir, hier, dans l’Eglise et par l’Eglise qui célébrait en son nom… oeuvre qu’il continue d’accomplir aujourd’hui, comme il la poursuivra dans l’Avenir.
Ainsi, célébrer la messe anniversaire de la dédicace d’une église : c’est célébrer certes le jour d’une naissance, mais aussi celui d’un commencement toujours actuel, et plus encore, d’un enfantement éternel.
Pour entrer plus profondément dans la réalité de ce qui est invisible et que Dieu dans l’Eglise et par la liturgie rend visible, et pour percevoir ainsi toute grandeur et la beauté de cette oeuvre que Dieu ne cesse d’accomplir, je vous propose maintenant de nous pencher sur la liturgie de la « Messe de la Dédicace » par laquelle l’édifice bâti de mains d’hommes est devenu « Maison de Dieu parmi les hommes » et pour eux.
Je vous propose de le faire non pas à travers la liturgie du début du XIIème siècle (que je ne connais pas d’ailleurs) mais telle que nous avons eue l’immense grâce de la vivre le dimanche 22 octobre dernier, Fête du Saint Pape Jean-Paul II, lors de la consécration de la nouvelle église Abbatiale de nos soeurs bénédictines au Pesquié. De toute façon, l’Esprit en est le même.
La liturgie de la Dédicace d’une église.
De même que chaque chrétien est consacré par les sacrements de l’initiation (le baptême, la confirmation et l’eucharistie), de même chaque église est consacrée par un rite unique, « la Messe de la Dédicace », qui n’est pas un simple « paraphe » comme sur la page de garde d’un livre, mais qui fait d’un édifice un lieu consacré à la rencontre entre Dieu et les hommes. C’est l’oeuvre que Dieu opère par l’Eglise à travers les rites liturgiques (actes et paroles).
La dédicace d’une église comprend plusieurs rites.
Je vais maintenant vous les résumer et vous les expliquer brièvement, autant que je le puisse.

1/ Les rites d’ouverture.
Le peuple de Dieu se rassemble autour de l’Evêque, son pasteur, avec les « reliques » du ou des saints qui vont êtres scellées dans l’Autel, l’Autel qui est le centre et le « coeur battant » pourrions-nous dire, de l’église de pierres qui va devenir le Temple de Dieu parmi les hommes : son Eglise. Ainsi, L’Eglise de la Terre va porter comme un précieux trésor « les reliques » de frères et soeurs dans la Foi qui maintenant sont membres de l’Eglise du Ciel.
Après la salutation de l’évêque et une prière, le peuple de Dieu, au chant des psaumes se rend, portant en procession les saintes reliques, jusque devant les portes de l’église restées closes.
« In Personna Christi » ( « En la Personne », « tenant la place » du Christ) l’évêque frappe alors de sa Crosse, le Bâton du Pasteur, les portes de l’église pour les faire ouvrir. Il signifie ainsi « en sa personne » que le Christ lui-même entre le premier et invite tout le peuple à le suivre physiquement et spirituellement pour aller de la terre des hommes jusqu’au Père éternel.
Tous entrent alors à la suite de la croix et de l’Evêque au chant de l’antienne « Terribilis est locus iste»
« Redoutable est ce lieu :
c’est vraiment la maison de Dieu et la porte du ciel;
on l’appellera demeure de Dieu ».
Tous ayant pris place dans l’édifice, l’évêque bénit alors l’eau qu’il va répandre sur l’assemblée en signe de pénitence et en souvenir du Baptême. Il en asperge aussi les murs de l’église et son Autel « Baptisés », « Consacrés » à Dieu au chant du « Vidi aquam » :
« J’ai vu l’eau vive jaillissant du Coeur de Dieu, Alleluia,
Et tous ceux à qui cette eau est parvenue ont été sauvés,
Et diront : Alleluia, Alleluia,

2/ S’ensuit alors, comme pour toutes célébrations des Sacrements,
la Liturgie de la Parole.
Les lecteurs se présentent devant l’Evêque. Celui-ci reçoit alors le Lectionnaire et le montre au peuple de Dieu en disant :
« Que résonne toujours en ce lieu la parole de Dieu :
pour vous faire connaître le Mystère du Christ
et réaliser votre salut dans l’Eglise ».
Tous se mettent alors à l’écoute de la Parole de Dieu

3/ Après l’homélie et le Credo
viennent les rites spécifiques de la Dédicace.
Ces rites commencent par le chant des litanies de Saints. On fait ensuite la déposition des reliques des saints. L’Evêque les place dans l’Autel où elles sont scellées, signifiant par là l’union du Corps mystique du Christ. Comme le disait St Ambroise au IV siècle :
« Que les victimes triomphantes prennent place là où le Christ s’offre comme hostie. Sur l’autel : celui qui a souffert pour tous ;
et au-dessous, ceux qu’il a rachetés par sa passion ».
L’évêque prononce ensuite la grande prière de consécration.
Debout, l’Evêque prononce la prière de dédicace de « cette maison de prière », où le peuple de Dieu viendra « adorer et prier » son Seigneur, « s’instruire de sa Parole et se nourrir de ses sacrements ».
La prière développe avec ampleur la théologie du mystère de l’Eglise, dont l’église-édifice est le signe :
« Eglise Epouse du Christ, à la fois vierge et mère, vierge par l’intégrité de sa foi, mère dont la fécondité vient de l’Esprit-Saint.
Eglise Sainte, vigne choisie du Seigneur, qui prend appui sur l’arbre de la croix.
Eglise Bienheureuse, demeure de Dieu parmi les hommes, construite de pierres vivantes, qui a pour fondations les Apôtres et pour pierre d’angle le Christ Jésus.
Eglise Glorieuse, la lumière de l’Agneau brille en elle à jamais, en elle résonne le chant de la fête des bienheureux. »

La prière se poursuit par l’évocation de tous les bienfaits que les hommes viendront chercher dans la maison de Dieu et de son peuple :
« En ce lieu, les fidèles célèbrent le mémorial de la Pâque.
En ce lieu, que résonne en joyeuse louange la voix des hommes unie aux choeurs des anges.
En ce lieu, que les pauvres trouvent miséricorde, les opprimés la vraie liberté, et tous les hommes la dignité de tes enfants dans l’Espérance de parvenir un jour à la JOIE de la Jérusalem du ciel. »
Cette prière de Consécration est alors suivie de l’onction avec le saint chrême comme pour les Sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre. Tout d’abord, l’Onction avec le saint chrême des cinq croix de l’autel (qui représentent les cinq plaies du Christ). Ensuite, l’Onction de toute la table de l’autel lui-même. Enfin, l’Onction en forme de 12 croix sur les piliers et murs de l’église qui symbolise les 12 tribus d’Israël puis les 12 apôtres, colonnes sur lesquelles le Christ bâtit son Eglise.
Et ceci au chant de l’antienne « Ecce tabernaculum Dei »
« Voici la demeure de Dieu avec les hommes,
Il demeurera avec eux, et ceux-là seront son peuple
Et Dieu lui-même sera avec eux, et il sera leur Dieu. »

4/ Le rite de l’Onction est suivi de l’encensement.
On place sur l’Autel des charbons ardents sur lesquels l’Evêque impose l’encens en disant :
«Comme la fumée de cet encens, que monte vers toi notre prière, Seigneur. Et comme ce parfum dans cette demeure,
que ton Eglise répande par le monde la grâce et la joie du Christ. »
L’Evêque encense l’Autel, ensuite il est lui-même encensé, et enfin des ministres parcourent la nef de l’église pour encenser le peuple et les murs.

5/ On procède alors à la vêture de l’Autel
On y étend une nappe et on y met des fleurs. On y dépose aussi les cierges. On aura préparé à l’avance de nombreux cierges dans toute l’église, spécialement devant chacun des emplacements où ont été faites les 12 onctions en forme de croix.
Cette « vêture » et cette illumination de l’autel rappellent le vêtement blanc et le cierge allumé remis aux nouveaux baptisés.
L’Evêque, un cierge allumé à la main, dit :
« Que resplendisse dans l’Eglise la lumière du Christ
afin que viennent tous les peuples à la plénitude de la vérité ! »
On fait alors l’illumination de l’église : en signe de joie, on allume tous les luminaires, tandis qu’on exécute un chant en l’honneur du Christ lumière du monde :
« Elle est venue, ta lumière, Jérusalem,
Et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.
Le nations marcheront vers ta lumière. »

6/ Enfin, on célèbre l’eucharistie.
Tous les rites antérieurs ont eu pour seul but de préparer l’Autel et l’église à la célébration de la Sainte Eucharistie en laquelle « Dieu se fait Homme pour que l’Homme devienne Dieu ». C’est elle qui fait véritablement de l’église un lieu sacré et voué au culte divin car là ce n’est plus l’homme qui agit mais Dieu lui-même. C’est « l’Opus Dei », « l’oeuvre de Dieu » par excellence, « source et sommet de toute la vie chrétienne » comme l’a rappelé avec force le 2nd Concile du Vatican.
« Par cette communion à tes mystères, Seigneur,
Répands abondamment en nos coeurs la lumière de ta vérité ;
Que nous puissions t’adorer jour après jour
Dans cette maison de prière,
Et nous réjouir devant ta face avec les saints du ciel. »
Au travers de ces rites de la liturgie de « la Messe de la Dédicace » nous pouvons, me semble-t-il, déjà mieux percevoir ce qu’est en profondeur le 900ème anniversaire de la Dédicace de notre Cathédrale.
Un texte de Suger, abbé de Saint-Denis-en-France, souligne excellemment la grâce de renouveau qui est offerte au peuple chrétien à travers les rites accomplis dans la liturgie de la dédicace. Il termine par une prière la description de la dédicace de l’église bâtie par ses soins sur le tombeau du premier évêque de Paris (en 1144… soit 27 ans après la dédicace de notre Cathédrale !) :
« Par l’onction du saint Chrême et la réception de la sainte Eucharistie, tu as uni, Seigneur Jésus-Christ, le matériel et l’immatériel, le corporel au spirituel, l’humain au divin. Par ces bénédictions visibles, tu restaures invisiblement, tu transformes même merveilleusement le royaume présent en royaume céleste ».
« La Grâce d’une Cathédrale ! »
Oui ! Il s’agit bien de cela. Ce que nous allons commencer à célébrer par la messe anniversaire de la dédicace de notre Cathédrale St Lizier, c’est « La Grâce de Dieu » à l’oeuvre hier, aujourd’hui et toujours.
Je dis bien « commencer », car tel un jubilé nous allons continuer tout au long de l’année qui va suivre à célébrer « la Grâce de notre Cathédrale ». J’aurai, je le pense, l’occasion de vous partager ma perception, mes réflexions, ma méditation dans les semaines et les mois à venir sur ce qu’est cette grâce particulière.
L’essentiel en tous les cas est pour nous, à l’image des jeunes âmes prévoyantes de l’Evangile de Dimanche prochain, de veiller, de « nous laisser agir », d’être prêts à accueillir le Christ et sa lumière, lui l’Epoux de l’Eglise, lorsqu’IL rentre pour nous donner de prendre part au Salut qu’Il veut pour tous.

Père Eric Pouvaloue †
Curé Archiprêtre de la Cathédrale St Lizier