C’est toujours avec une certaine surprise que l’on entend les récits des apparitions du Ressuscité : il n’y a pas de manifestation glorieuse et éclatante – comme avait pu l’être sa Transfiguration. L’événement prodigieux de la Résurrection n’est pas comme l’éclair qui aveugle, qui éblouie, il est une lumière qui nous cherche pour nous éclairer, nous relever, nous guider. Cela nous rappelle les miracles évangéliques qui « ne sont pas là pour nous faire vivre des choses extraordinaires mais pour que nous vivions extraordinairement les plus ordinaires des choses » (F Hadjadj).
Parmi les « Visites » du Christ ressuscité à ses disciples l’épisode des pèlerins d’Emmaüs (Luc chap. 24) est source d’une grande espérance !
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Jésus rejoint deux disciples désemparés par la Crucifixion. Ils ne le reconnaissent pas encore : il semble n’être qu’un voyageur.
« Sur la route de nos interrogations et de nos inquiétudes, parfois de nos cuisantes déceptions, le divin Voyageur continue à se faire notre compagnon » (St Jean Paul II, Mane Nob.,1). Jésus marche à notre rythme et met ses pas dans les nôtres. Il chemine avec l’humanité blessée, désemparée. Il prend le temps d’entrer dans les doutes, les blocages, les deuils : le Ressuscité choisi de partager encore la peine des hommes.
Il ne se laisse pas reconnaître parce que rencontrer le Christ pour ce qu’il est vraiment – Dieu qui sauve – demande un chemin de foi : La relation vivante avec lui n’est pas automatique mais implique notre liberté, appelle notre amour.
Accueillir le ressuscité ce n’est pas penser que tout va bien dans le meilleur des mondes, c’est refuser d’appartenir à la nuit : celle du désespoir, du découragement, de l’enfermement sur soi-même, celle d’un monde qui oublie le véritable visage de Dieu… C’est aussi vivre dans cette espérance que le dernier mot est laissé à Dieu : dernier mot de nos journées, de notre vie, de notre monde, à Lui et non pas aux ténèbres froides du mal et de la mort.
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Jésus leur explique ensuite les Écritures. Alors « La lumière de la Parole faisait fondre la dureté de leur cœur et ouvrait leurs yeux » (Id.). Les foules qui ont écouté les récits des Évangiles pendant ces Fêtes Saintes découvrent aujourd’hui encore ce Dieu qui parle à leur cœur. Sans qu’ils s’en aperçoivent encore, désormais, ces deux disciples mettent leur pas dans ceux du Christ et marchent à son rythme. Les nombreux catéchumènes adultes sont le témoignage vivant de cette Œuvre de conversion opérée par le Seigneur.
Le soir est proche, les ombres s’allongent, la nuit va bientôt tout revêtir de son manteau sombre. Jésus fait semblant d’aller plus loin. Il s’était imposé au détour du chemin, il est désormais invité par ceux dont il a éveillé le cœur. Cela est très simple : « reste avec nous car déjà le jour baisse ! ». Au soir de chaque jour, viens demeurer auprès de nous Seigneur, car tu es notre vie !
Répondant à leur invitation Jésus reste pour le repas du soir.
Lorsqu’il partage le pain, les deux disciples « le reconnurent, leurs yeux s’ouvrirent mais il disparut à leurs regards » (Luc 24,31). Il ne se laisse pas pleinement saisir en ce monde : c’est le temps du pèlerinage de la foi. Il n’est plus visible : il s’efface donc mais il ne s’absente pas, il est toujours présent. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20). Et cela s’accomplit de bien des manières : dans le visage de l’étranger, dans la Parole vivante de l’Écriture, dans l’Eucharistie. Et aussi dans ce désir intérieur qui pousse à reprendre la route, à être une Église en sortie, habitée par la joie de la foi : « Vraiment il est ressuscité » !