Un temps pour se remettre en marche !
Nous sommes des étrangers et des voyageurs sur cette terre. « Bien-aimés, puisque vous êtes comme des étrangers résidents ou de passage… » (1 P 2, 11) Le disciple de Jésus n’est pas une personne parfaite arrivée au terme du voyage, mais quelqu’un qui est en marche vers le Royaume. La question à nous poser en entrant dans le carême pourrait être la suivante : “Ne conviendrait-il pas que je me remette en route ?” Cette interrogation est valable pour chacun d’entre nous, comme pour nos familles et pour nos communautés.
En effet, dans une vision chrétienne de l’image d’un croyant, la question n’est pas tellement de regarder chacun de nous comme nous étudierions un tableau exposé dans un musée, bien accroché au mur et faisant l’admiration des visiteurs. Après ce travail d’observation sur l’un de nos frères dans la foi, nous pourrions dire : “Cette personne a atteint un degré élevé de perfection”. Non ! Il s’agit plutôt de s’assurer, que notre ami comme nous-même, soyons encore en marche, en mouvement. Sommes-nous en situation “d’intranquillité”, selon cette notion originale de Fernando Pessoa (*) ? Autrement dit, il ne s’agit pas tant de ne pas être pécheur (qui pourrait dire qu’il ne l’est pas !), mais de ne pas se satisfaire de cette situation, et de laisser le Seigneur nous dire : «Lève-toi et marche».
« Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche » (Actes 3, 6) Sommes-nous prêts à quitter le confort de nos habitudes, de notre tranquillité, qui rendent si difficile le fait de nous remettre en cause ?
Nos communautés pourraient-elles aussi réentendre l’appel du pape François dans La Joie de l’Évangile(n° 33) ?: « La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. »
Prendre son sac à dos et se lancer sur une route de pèlerinage, pourrait nous aider à nous mettre dans ces dispositions qui sont d’abord de l’ordre de l’intériorité. Mais, nous n’avons pas tous cette possibilité. Il nous faut alors demander au Seigneur la grâce de cette “remise en route” intérieure sans pouvoir quitter notre contexte habituel de vie. Nous pouvons modifier quelques-unes de nos routines personnelles et communautaires, et ainsi mendier ces intimes et profonds déplacements. L’inventivité est ici de mise !
Par exemple, chaque jour, nous pourrions marcher un peu dans notre quartier, sur une des voies vertes, ou en direction d’une des croix surplombant le village, faisant droit ainsi, de façon à la fois symbolique et en partie vraie, à la spiritualité de la route… Pour certains, même physiquement, ce sera impossible, mais ils discerneront autre chose.
Enfin, ce texte de la prière du Congrès européen des pèlerinages, pourrait nous accompagner :
Tu es né pour la route.
Marche.
Tu as rendez-vous.
Où ? Avec qui ? Tu ne le sais pas encore…
Avec toi, peut-être ?
Marche.
Tes pas seront tes mots.
Le chemin, ta chanson.
La fatigue, ta prière.
Et ton silence, enfin, te parlera.
Marche seul, avec d’autres, mais sors de chez toi.
Tu te fabriquais des rivaux : tu trouveras des compagnons.
Tu te voyais des ennemis : tu te feras des frères.
Marche.
Ta tête ne sait pas où tes pieds conduisent ton cœur.
Marche.
Tu es né pour la route,
celle du pèlerinage.
Un Autre marche avec toi et te cherche pour que tu puisses le trouver.
Il est ta Paix
Il est ta Joie
Va
Déjà, ton Dieu marche avec toi.
Bonne route amis et frères.
Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix
(*) Écrivain et poète portugais (1888-1935), auteur de « Le Livre de l’intranquillité »