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Quand un évêque parle de sa vie spirituelle dans la maladie

par | 4/03/2021

CONFRONTÉ AUX ÉPREUVES DU CANCER ET DU CORONAVIRUS

LE CARDINAL JOSEPH DE KESEL DÉLIVRE UN TÉMOIGNAGE DE GRANDE PORTÉE SPIRITUELLE ET HUMAINE  

19 novembre 2016 : Le Card. Jozef DE KESEL, arch. de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique), l’un des 17 cardinaux nouvellement créés par le pape. Vatican.
November 19, 2016: Pope has named 17 new cardinals of the Roman Catholic Church from around the world. Card. Jozef DE KESEL, one of the 17 new cardinals. Paul VI Hall at the Vatican.

Dans « Pastoralia », la revue bimestrielle de l’archevêché, mise en ligne hier, Joseph de Kesel archevêque de Malines-Bruxelles, relate comment il vit personnellement la double épreuve du cancer qui l’a frappé il y a un an, au même moment où le Coronavirus faisait son apparition, suscitant une crise sanitaire mondiale. Extraits substantiels des réflexions personnelles du cardinal – en cessation d’activités depuis un an –  livrées à ses diocésains sur un ton à la fois personnel, simple et fraternel.   

Comment vit-il cette double épreuve? 

« Celui qui se voit confronté à une crise, ou qui est gravement éprouvé, souhaite en connaître la fin le plus rapidement possible. Voilà bien une réaction normale. Cela dit, j’ai toujours été fasciné par une petite phrase du Livre de l’Exode, au chapitre 13. On y décrit le Peuple de Dieu prêt à quitter l’Égypte, en route vers la Terre promise. Cela n’aurait en soi aucun sens de faire pendant quarante ans un large détour par le désert ! De fait, on peut rejoindre cette Terre en allant tout droit vers le nord : voilà un chemin bien plus court. Mais le Seigneur se fait du souci… car sur cette voie rapide, on rencontrera les Philistins, au risque de ne pas survivre à cette confrontation. De peur, le Peuple élu risque de vouloir faire demi-tour, vite fait bien fait. Alors surgit cette petite phrase tout à fait surprenante : « Dieu fit donc faire au peuple un détour par le désert » (Ex 13,17). » 

Sa redécouverte de la Prière des Heures

« On dit d’une épreuve qu’elle doit être supportée. Qu’on doit la traverser. Cela demande du temps. Bien évidemment, on veut aussi vite que possible retourner à l’ordre du jour habituel, pour mettre en œuvre ce qu’on était habitué à faire. Mais le détour, avec toute la patience qu’il requiert, aidera à redécouvrir ce qui risquait d’être oublié par les habitudes et la routine du quotidien. C’est ce qui m’est arrivé. Au fil de l’épreuve, très concrètement, je me suis fortement attaché à la Prière des Heures, avec les psaumes et les passages de l’Écriture sainte. J’aimerais vous partager cette expérience. »

Quand ce qui lui paraissait routinier lui apporte de la  consolation

« Il va de soi que cela fait des années que la Prière des Heures m’est familière. Pourtant… j’ai fait l’expérience d’une redécouverte et d’un ressourcement qui m’apportent une grande consolation. Je ne me rappelle pas avoir pris la décision de prier avec plus d’attention. Cela m’est en réalité tombé dessus. Probablement à cause de ma maladie, avec les incertitudes qui vont de pair. J’ai été assez soudainement touché par des paroles qu’en d’autres temps, j’aurais laissé passer presque sans y être attentif. Elles exprimaient si bien ce qui se passait en moi. » 

Pourquoi le psaume 62 lui est devenu si cher

« Au fil des jours, certains psaumes ou parties d’entre eux ont éveillé mon attention. Je les connaissais bien sûr. Je les avais déjà si souvent priés. Pourtant, en une fois, certains mots, certains versets résonnent tout autrement. Ils me touchent. Je m’y arrête, je les répète. Ils m’aident aussi tout au long de la journée. Ils expriment si bien ce qui se vit en moi. J’aurais bien de la peine à tous les mentionner ici. Mais c’est ainsi que le psaume 62 m’est devenu particulièrement cher. C’est le premier psaume fides Laudes du dimanche, à la première semaine. Vers la fin, aux versets 7-9, nous prions « Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te parler. Oui, tu es venu à mon secours. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient ». C’est si simple, si profond, si intime et plein d’abandon : mon âme s’attache à toi ! » 

En priant avec les mots du Christ, sa solidarité avec le monde s’agrandit

« Les mots de la Sainte Écriture sont ainsi devenus les miens. Pourtant, il s’agit en premier lieu de la Parole de Dieu. Les mots mêmes du Christ. On prie dès lors en communion avec Lui. Cette communion avec Lui élargit aussi notre cœur. On ne voit pas que notre propre angoisse, notre peine. On rejoint la peine des autres. On prie aussi pour eux. On partage le même ressenti ; on découvre une profonde solidarité. Universelle. Cette solidarité doit toujours rester en ligne de mire pour l’Église, et en particulier pendant cette crise du coronavirus. » 

En méditant la Parole de Dieu, il participe à une autre forme de communion au Christ

« L’Eucharistie est et reste « la source et le sommet » de toute la vie chrétienne. Mais elle n’exclut pas les autres formes de communion. L’Eucharistie n’est pas « quelque chose » que nous recevons, mais communion au Seigneur. Cela vaut tout autant pour l’écoute attentive et priante de la Parole de Dieu. « Quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles ». Bien sûr, saint Jérôme n’évoque pas ici la communion sacramentelle. Mais il s’agit quand même de la communion au Christ en sa plénitude, qui est réellement présent et se donne à nous. » 

Cette crise sanitaire et cette épreuve de la maladie qu’il traverse simultanément lui ont appris que les « détours » qu’elles occasionnaient  pouvaient être secourables et féconds

« Dieu fit faire à son peuple un détour. » L’épreuve dure évidemment plus longtemps en faisant des détours. La tentation nous guette de vouloir revenir dans les plus brefs délais à ce qui était prévu. Mais le détour peut aussi être un kairos, un temps favorable, un temps de grâce. Un temps pour ne pas rester figé dans une attitude purement défensive. « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ; n’endurcissez pas votre cœur » chantons-nous chaque matin dans le psaume 94. La plupart du temps, c’est à l’improviste que le Seigneur vient à notre rencontre et qu’Il nous fait entrer en communion avec Lui. Il le fait de multiples façons, quand bien même l’écoute attentive et priante de sa Parole restera toujours à la première place. Tout particulièrement maintenant, il le fait aussi à travers tous ceux qui sont menacés ou désespérés à cause de la pandémie. La prière et la solidarité : elles restent les fondements de notre vie chrétienne, dont l’Eucharistie est source et sommet*. »

* En Belgique les autorités ont autorisé l’ouverture des cultes à condition qu’ils n’excèdent pas le nombre de 15 participants.