L’accompagnement spirituel peut« aisément devenir un lieu d’abus, la relation qui s’établit touchant au plus intime ». Le constat est dressé par la Ciase, qui préconise la publication d’un guide de bonnes pratiques destiné aux accompagnateurs spirituels. Certes l’Église bénéficie d’une longue tradition en la matière et des guides et des formations existent déjà. Le droit canonique lui-même insiste sur la nécessaire « distinction », demandée par la Ciase, « entre la responsabilité de gouvernement et l’accompagnement spirituel, pour éviter les dérives ».Pour autant, ces ressources ont souvent été oubliées, notamment dans les communautés nouvelles, et mériteraient d’être rassemblées en un document de référence. « L’abus de pouvoir arrive très vite, confirme sœur Anne Lécu, membre de la Cellule pour les dérives sectaires au sein de l’Église catholique.Dans les groupes à caractère problématique, tout est brouillé. »
Dans ce domaine, « ai-je toujours approché avec crainte et tremblement le sanctuaire inviolable et sacré de la conscience humaine ?, s’interrogeait, devant l’assemblée des religieux et religieuses de France, à Lourdes en 2018, le dominicain Adrien Candiard. Si je n’ai pas mis en place de système d’abus généralisé, je ne suis pas certain d’avoir fait grandir la liberté de ceux qui s’ouvraient à moi ».Faire grandir la liberté de la personne accompagnée, voilà la grande affaire de l’accompagnateur spirituel, homme ou femme, consacré ou laïc. Et cela ne s’improvise pas. Beaucoup accompagnent sans avoir été formés, et sans avoir reçu de mission spécifique. Pourtant, déplore un jésuite, « l’accompagnement spirituel est une mission reçue de l’Église ».« Ce n’est pas parce qu’on est prêtre ou religieux qu’on est formé à cela »,ajoute Anne Lécu, qui a elle-même toujours refusé d’être accompagnatrice spirituelle.
Un guide de bonnes pratiques devrait, selon un jésuite, « commencer par préciser ce qu’on entend par accompagnement spirituel ».Directeur de conscience, confesseur, père spirituel… Le vocabulaire a varié au fil de l’histoire pour désigner des pratiques qui ne se recoupent pas totalement.« Il ne faut pas confondre une conversation spirituelle impromptue avec un accompagnement qui s’étale dans le temps,poursuit le religieux.Le principe de base dans l’accompagnement spirituel, c’est que celui qui accompagne n’a aucun pouvoir ni autorité sur la personne accompagnée. »À éviter, donc, l’accompagnement par un curé d’un laïc en responsabilité dans sa paroisse.
L’accompagnement n’est pas non plus une direction, au sens où il s’agirait de montrer la voie à suivre. « Il est important de croire que Dieu se communique directement à la personne qu’on accompagne, insiste sœur Luisa Curreli, religieuse du Cénacle à Versailles et formatrice.L’accompagnateur n’est pas un médiateur, mais un tiers dans la relation avec Dieu. »« Ce n’est pas un face-à-face, insiste le père Thierry Anne, ancien maître des novices des jésuites. Ce n’est pas un lieu où l’on instruit, mais où l’on écoute l’Esprit Saint et on cherche ce qui peut aider la personne. »
Un des points d’achoppement est parfois la demande de la personne accompagnée elle-même. « Souvent, elle va être tout à fait ouverte à ce qui va lui être proposé par son accompagnateur, sans nécessairement se tenir sur ses gardes », reconnaît le père Remi de Maindreville, supérieur de la communauté jésuite de Saint-Denis Basilique. « Certains souhaitent être reconnus par leur accompagnateur, guidés, parfois même touchés par lui, souligne un autre jésuite. Les personnes qui abusent, y compris dans le cadre d’un accompagnement spirituel, vont repérer ces fragilités. »
La définition d’un cadre strict à l’accompagnement est un préalable nécessaire pour contrer tout risque d’emprise. « S’y tenir est ce qui permet de garder une relation saine », souligne sœur Luisa, énonçant les critères essentiels : « Choisir le lieu où l’on se rencontre, un lieu d’Église, se mettre d’accord sur la durée de l’entretien pour ne pas tomber dans le bavardage, laisser l’initiative du rendez-vous à l’accompagné, laisser la liberté de part et d’autre d’arrêter l’accompagnement… »Autre garde-fou, la nécessité d’une supervision. « Pouvoir me demander, à l’aide d’un superviseur, l’effet que me fait l’annonce par une personne accompagnée qu’elle souhaite ne plus être accompagnée par moi, analyse un prêtre, me permet d’identifier si je n’ai pas malgré moi un désir de pouvoir sur cette personne. »
Clémence Houdaille (La Croix)
Actualité
: Permet de voir l’actualité de la paroisse à laquelle cet article est rattaché.
/ : Permet de voir l’actualité du Mouvement, Groupe ou Pôle diocésain à l’origine de cet article.
: Permet de voir plus d’articles traitant de la même thématique.
Bonne lecture !