Un peuple de prophètes
Au livre des Nombres, dans la Bible (Nb 11, 26-30) nous découvrons l’expression d’un souhait de Moïse, résonnant comme une prière : « Ah ! Puisse tout le peuple de Yahvé être prophète, Yahvé leur donnant son Esprit ! » Cela pourrait faire écho à cette période de la vie de notre église diocésaine durant laquelle nous nous efforçons de redécouvrir la transformation que le Seigneur opère en nous par le Baptême. « Désormais, tu fais partie de son peuple, tu es membre du Corps du Christ et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. » (Rituel du baptême – onction avec le Saint-Chrême). L’Esprit qui planait sur les eaux au moment de la création, cet Esprit que Moïse appelait de ses vœux, nous transforme en profondeur pour nous configurer au Christ, prêtre, prophète et roi.
Même le plus modeste d’entre nous (selon les habituels critères mondains de dignité), est dépositaire de charismes extraordinaires, venant du Seigneur. Ce sont des dons reçus pour le bien de tous, pour le Corps du Christ qui est l’Église, et pour sa mission en ce monde.
Tenir compte de cela devrait avoir des conséquences pratiques en nous invitant à accueillir la parole et les initiatives du plus grand nombre de baptisés, et pas seulement de quelques-uns. La théologie de l’Église parlera ici de « sens de la foi des fidèles » (Lumen Gentium au n° 12 et Commission Théologique Internationale en 2014).
Dans la préface d’une des éditions en langue française du document de la Commission Théologique Internationale sur cette notion, Mgr Éric de Moulins-Beaufort (qui présidera à partir du mois de juillet la Conférence des Évêques de France) écrivait : « La division, si utile ici-bas et si évidente surtout, entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas perd sa pertinence lorsque l’Esprit-Saint est donné à tous… »
En ces temps, marqués par la faillite de « ceux qui savent » (ou qui auraient dû savoir), en ces temps de crise des institutions civiles ou ecclésiales, il nous faut sans doute nous engager dans une écoute patiente et attentive de tous. A commencer par ceux qui jusqu’alors nous semblaient « ne pas compter ». Les chefs des prêtres et les pharisiens parlaient d’eux de façon dédaigneuse en ces termes : « Cette foule qui ne sait rien de la loi. » (Jn 7, 49)
Entendre, écouter, ceux qui « ne savent pas », ou « ne comptent pas », nous aurait peut-être éloigné de bien des drames… Car il y avait parmi eux des prophètes !
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix
Nous pourrions encore nous référer à ces autres passages de l’écriture :
« Vous saurez que moi, je suis au milieu d’Israël, que je suis le Seigneur votre Dieu, et qu’il n’y en a pas d’autre. Mon peuple ne connaîtra plus jamais de déception. Je répandrai mon esprit sur toute créature, vos fils et vos filles deviendront prophètes. » (Jl 2, 27 ; 3, 1a)
« Je répandrai l’eau sur ce qui est assoiffé, des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta postérité, ma bénédiction sur tes descendants. Ils grandiront comme en un pré verdoyant, comme les peupliers au bord des eaux courantes. » (Is 44, 3-4)