« Pour qui trouve l’amour, il n’est plus de bonheur. »
Nous pourrions attribuer cette phrase à quelque humoriste cynique, indiquant quel esclavage peut induire le fait de « tomber » amoureux. Pourtant elle a été écrite par une des grandes mystiques française du XXe siècle, Madeleine Delbrêl. On la trouve dans des fragments de poèmes de janvier 1961.
Que peut-elle vouloir dire par là ?
Juste avant ce vers, elle en écrit un autre : « Pour qui trouve la mer il n’est plus de rivière. » Ceci peut nous aider à la compréhension de son intuition. Pour celui, ou celle, qui trouve l’amour la recherche du chemin du bonheur perd sa signification ; tout comme la recherche du chemin de la rivière n’a plus de sens pour le filet d’eau qui a fini par se jeter dans l’océan. Ce qui semblait être la colonne vertébrale de notre vie, la quête du bonheur, s’évanouit le jour où l’on a trouvé l’amour.
Dans la recherche du bonheur il y a quelque chose qui reste centré sur nous, sur notre « moi » que l’on cherche à satisfaire. Quand surgit l’amour, le « moi » disparait et il ne reste plus que le visage de l’autre qui anéantit toute attention à soi. Les mystiques et les théologiens appelleront cela l’amour d’agapè. « Si vous aimez ceux qui vous aiment… (Mt 5, 46) » dit Jésus ; autrement dit si nous aimons ceux qui, en nous offrant quelque chose en récompense, nous ramènent à nous-même, nous n’avons pas encore atteint l’amour au sens divin du terme. Cet amour théologal qui se donne pleinement et gratuitement, et qui n’attend rien en retour.
Oui, véritablement, l’amour quand il atteint cette dimension, nous fait oublier totalement le souci de notre bonheur. Il est radicalement don. Il est de la même nature que l’amour de Dieu. Cela peut paraître effrayant, tant un tel oubli de soi peut sembler suicidaire. Mais nous avons sans doute là le cœur du message de l’Évangile de Jésus. « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même », chantons-nous avec Sainte Thérèse !
Qui de nous pourrait expérimenter un tel amour ? « Pour les hommes, c’est impossible, mais à Dieu tout est possible »(Mt 19, 26) C’est aussi Madeleine Delbrêl qui nous expliquera que pour un disciple de Jésus, « il ne s’agit pas d’agir, mais d’être agi », et donc de laisser Dieu aimer à travers nous. Alors, ce dont nous étions radicalement incapables devient possible ; jusqu’à l’amour des ennemis. Quelle folie ! Oui, mais c’est la folie de l’Évangile et c’est par elle que nous accédons à notre pleine dimension humanité. « Celui-ci est mon fils, bien aimé… »
Loué soit le Seigneur qui nous fait perdre le chemin du bonheur quand, avec Lui, nous trouvons l’amour.
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix
Actualité
: Permet de voir l’actualité de la paroisse à laquelle cet article est rattaché.
/ : Permet de voir l’actualité du Mouvement, Groupe ou Pôle diocésain à l’origine de cet article.
: Permet de voir plus d’articles traitant de la même thématique.
Bonne lecture !