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Le Château de Montégut en Couserans (Ariège)

     A une lieue à peine de Saint-Girons, qu’il domine et semble surveiller, le piton de Montégut dresse sa masse. Sur la crête de ce massif, le vieux château élève ses murs contournés, privés des orgueilleuses tours, et s’arase au niveau des arbres où il se dissimule. Il faut monter longuement à la sortie de Saint-Girons, puis par un étroit chemin, atteindre le petit village de Montégut, pour voir surgir enfin cette antique forteresse que rien ne laissait deviner. On débouche sur la plate-forme au pied des murs et la première impression est de sauvagerie et d’isolement. Les courtines et l’enceinte, avec des ouvertures percées sous Louis XIII, désignent cette énorme bâtisse comme un point solide de défense. Et de fait le château de Montégut a pesé sur le destin de cette vallée du Salat où les romains s’établirent dans ce qui devint Saint-Lizier, la ville aux deux cathédrales et que Montégut protégeait et assez souvent inquiétait.

      A quand remonte ces murailles farouches construites pour la guerre plutôt que pour la résidence ? De larges pans de murs sont encore faits de ces pierres gallo-romaines, les mêmes que l’on retrouve à Saint Lizier et que les romains apprirent aux indigènes à tailler si régulièrement. Que la florissante civilisation gallo-romaine ait utilisé ce piton comme vigie et couverture de Saint-Lizier menacée des barbares, c’est une idée que les lieux imposent mais après les bouleversements de l’époque barbare et la poussée de l’Islam, Montégut sombre dans la nuit du haut Moyen Âge.

Le Couserans avait été rattaché au Comminges peu après 836 pour constituer l’apanage de Garcia, fils aîné du Comte de Vasconie, Aznar 1er Sanche et, plus tard, il fut mis en morceaux par les descendants d’Aznar III, comte de Comminges, arrière petit-fils dudit Garcia. Ainsi le Couserans perdit la dignité de Comté qui fut transféré à la terre de Foix. On conçoit que les seigneurs de Montégut aient été les hommes liges des comtes de Comminges et les seigneurs de tout le Couserans que leur puissant château verrouillait au départ de sa gerbe de vallées. Les intérêts des deux familles étaient liés et plus nettement dans la ville de Saint-Lizier où chacune avait des droits discrètement grignotés par les évêques de ce siège établi dès le VIe siècles et qu’occupa Licérus, alias Saint-Lizier.

Mais qui était le seigneur de Montégut ?

Voici comment l’abbé Samiac dans ses « Rapports féodaux des Évêques de Couserans et des Comtes de Comminges » (Bulletin Société Ariégeoise des Sciences Lettres et Arts. 1910) nous présente celui qui vivait au XIIe et XIIIe siècle :

« On connait au moins pour l’avoir considéré des hauteurs de Saint-Lizier ou de la plaine d’Aubert, le château de Montégut, les combes profondes, sauvages, béant à ses pieds et offrant un labyrinthe de chemins couverts, propre aux mauvais coups. Le silence qui l’enveloppe, le mystère qu’il semble vouloir cacher à l’intérieur de ses murs noirs, les traces de ses travaux de défense reconnaissables encore sous le maigre gazon et, témoignage d’un passé belliqueux, tout cela éveille l’idée d’un nid d’hommes de proie, tombé dans le délaissement, d’une retraite hantée peut-être encore par des ombres des temps féodaux. Et l’imagination ne trompe pas.

      De 1130 à 1216, en effet ce château fut pour la pauvre cité de Saint-Lizier un repaire de fauves. Dès que Bernard 1° de Comminges ouvrit la guerre contre Saint-Lizier, le Sire de Montégut descendit de son aire, dit la sentence de 1216, pour prêter main forte au mauvais comte.. Lorsque le conflit s’est apaisé momentanément entre les évêques de Couserans et les Comtes de Comminges, lui Vital de Montégut avait continué les vexations pour son propre compte. Il avait obtenu de l’évêque Auger, malgré l’opposition des chanoines, un emplacement au bas de la ville, pour construire quelque moulin et y pratiquer un chemin muletier de service. En retour, il avait prêté serment de fidélité à l’évêque. Mais une fois nanti de sa concession, il avait fait bâtir à la grande stupéfaction et protestation de l’évêque, trois moulins; quelques temps après, il s’était taillé sur les lieux un jardin ; plus tard, il avait protégé le tout d’une tour (la tour sans doute qui domine le moulin et le pont). Outre ces vexations sans nombre infligées au clergé de la ville, un jour de foire, aux environs de la Toussaint, il avait envahi le marché de Saint-Lizier, capturé tout ce qui était tombé sous sa main : hommes, bestiaux, marchandises et commis pour plus de 59 sous morlans (monnaie du Béarn, du nom de la ville de Morlans) de rapines et de dommages et occasionné la mort de 27 personnes qui s’étaient noyées dans le Salat en voulant échapper à sa poursuite. L’évêque du Couserans était alors Navarre d’Acqs, originaire des Pyrénées Atlantiques. Il était entré dans l’ordre des Prémontrés, devenant abbé de Combelongue et titulaire du siège de Saint-Lizier de 1205 (environ) à 1212. Le terrible Vital alla jusqu’à menacer Navarre de lui faire sauter la cervelle. l’évêque pour ne pas risquer une telle éventualité quitta son diocèse. »

Navarre ulcéré n’eut d’autre ressource que de s’en plaindre au Pape qui l’adjoignit aux Prélats de la Légation dirigée par Pierre de Castelnau, Légat. Et c’est ainsi que Navarre assista à St Gilles, au meurtre de Pierre de Castelnau et,  par ses accusations contre le Comte de Toulouse, déclencha la Croisade  contre les Albigeois qui coûta près de 40 années de guerre à l’Occitanie. Il se mit au service de Simon de Montfort ce qui lui valu de recouvrer son siège épiscopal de Saint-Lizier en 1211 et de placer cette ville dans le camp des Croisés. En 1217, le Vicomte du Couserans, le Comte du Comminges, le fils du Comte de Foix et le seigneur de Montégut, tous alliés de Raymond VII, vont aider ce dernier à reprendre Toulouse à Simon de Montfort aux cris de « Toulouse ! Foix ! Montaut ! Montégut ! ».

Mais à cette époque diplomatiquement bien incertaine, la mort de Simon de Montfort en 1218 devant Toulouse bouleversait les engagements. En 1230, le Comte de Comminges repris ses attaques contre Monseigneur de Saint-Lizier. Cependant comme il n’y avait plus ni Navarre l’insidieux, ni les impétueux Vital et Odon, on s’arrangea par un petit chef-d’œuvre de diplomatie qui contenterait tout le monde, et qui n’irritant personne, eut le mérite d’éviter au Couserans les sombres heures que vécurent les autres régions du pays de Foix et du pays d’Aude accusées d’hérésie. les Seigneur de Montégut, qui eurent le mérite rare à cette époque de conserver l’amitié de l’Église, celle des Rois de France et celle des Comtes de Toulouse, pourtant bien suspects, furent considérés comme de très puissants seigneurs que l’on choisissait comme arbitres et que l’on recherchait en mariage. C’est ainsi qu’en 1290 Anglèsie de Montégut épousa Thibaud de Lévis à qui elle n’apporta qu’une partie des droits sur Montégut ce qui laisse supposer, comme partout en pays occitan, que les fiefs étaient en co-seigneuries.

Il est probable que Montégut perdit alors un peu de son visage agressif pour s’organiser en résidence plus acceptable pour une famille noble. Mais les ouvrages de défenses ne disparurent pas pour autant, d’autant que la fin du XIVe siècle fut marquée par les audaces des routiers anglais et des grandes compagnies dont Gaston Phébus lui-même dut acheter le départ. On réunit les restes des tours, abaissées sur ordre de Simon de Montfort au XIIIe siècle, en corps de logis austère et aveugle et on perça, côté cour intérieure, des fenêtres prudentes.

C’est à la famille de Roquemaurel que revient cet aménagement car Raymond de Roquemaurel, fils cadet de Jean III de Roquemaurel, sénéchal en 1400 du Comte de Rodez, épousa vers 1420 une Montégut et devint l’auteur de la branche des Roquemaurel du Couserans. Son petit-fils épousa Catherine d’Ustou, qui descendait directement de Thibault de Lévis et donc des Comminges et des Foix Rabat. les Roquemaurel venaient d’Auvergne, ils étaient seigneurs de Montégut, de Constansac, de Sentaraille, Soueix, Rouzé etc… A la Révolution Nicholas Melchior de Roquemaurel de Rouzé épousa Anne Servat de Laisle, du château de Pontcarré de Massat. Il fut arrêté sous la Terreur puis libéré, sa femme ayant démontré au Tribunal Révolutionnaire qu’il avait toujours eu l’esprit libéral.

Il est évident que le château eut à souffrir de la période révolutionnaire, car il porte des traces d’incendie et il a été bien mutilé après les modifications ordonnées sous Louis XIII, pour diminuer sa puissance féodale (arasement du Donjon à quelques mètres au dessus  du toit, destruction de certaines murailles… etc) : Les habitants du village eurent l’occasion d’éteindre un incendie allumé par une bande de révolutionnaires de Saint-Girons.

Ce château appartint à l’avocat Joseph Sentenac, député de l’ Ariège, pour l’arrondissement de Saint-Girons, pendant cinq mandats successifs, de 1876 à 1898. Il le tenait de sa mère Suzanne de Roquemaurel. Mort sans enfant, son héritage passé à ses nièces et à la suite du mariage d’une demoiselle Sentenac avec Urbain Jalenques, il échut à Etienne Jalenques, son fils, père de l’actuel propriétaire.

Le château de Montégut présentait il y a seulement quelques années, un aspect lamentable et les quelques personnes un peu au fait de l’histoire du Couserans pensaient qu’il avait disparu, mangé par les chênes et enseveli sous les fougères… Pourtant le château féodal de Montégut, le plus ancien du Couserans et probablement aussi de l’Ariège existe toujours, toujours solide et imposant avec ses murs typiques par leurs moellons réguliers, du XIIe siècle, avec dans les soubassements quelques restes gallo-romains, ses tours offensées, et après le passage de son lourd portail, sa cour intérieure où le roc affleure et ses façades intérieures percées de larges fenêtres renaissances. (Les façades extérieures furent quand à elles percées au XVIIe et XVIIIe siècles. Toujours dans la cour des restes de bâtiments, anciennes écuries sans doute, un puits, malheureusement condamné par une dalle de ciment et une antique baignoire. pourtant vers 1960 la toiture avait quasiment disparu les planchers aux larges éléments de chêne, les poutres et les solives du XVIe siècle, ornés au XVIIe siècle de fleurettes, arrachées de leurs appuis menaçaient de s’effondrer. La salle des gardes, brûlée avec la grande salle qui la surmontait n’était plus qu’un amas de pierres et de bois moisis.

Grâce aux efforts de Messieurs Étienne Jalenques père et fils le château de Montégut perdure.