Les prêtres du diocèse de Pamiers viennent de vivre un temps de retraite à l’Abbaye d’En Calcat.
Que penser de ces moments de « retrait », ou de fuite du monde?
Quelques jours pour cesser du fuir…
Le moines d’En Calcat ont intitulé le DVD qu’ils ont réalisé autour de leur choix de vie : « De fuga mundi » (« De la fuite du monde »). Nous comprenons, en venant passer quelques jours ici, qu’il s’agit de tout autre chose qu’une attitude de fuite. C’est sans doute même exactement le contraire.
– On vient ici pour cesser de fuir dans l’agitation, dans la « zapping » permanent d’une activité à une autre, ou d’un lieu à un autre. Il est question ici tenter de rééquilibrer notre rapport à l’espace et au temps en trouvant de la lenteur et de la stabilité.
– Notre fuite du silence s’exprime par une écoute quasi permanente à la « rumeur du monde » qui nous donne l’illusion d’une attention à tout ce qui préoccupe nos contemporains. Et la paix silencieuse des lieux et des personnes, loin des bruits ambiants, nous ramène vers une vision lucide des défis individuels et collectifs à relever dans le monde d’aujourd’hui.
– Notre vie est marquée par des troubles profonds de l’attention (à nous-même, aux autres, et à Dieu), lesquels sont aggravés par notre dépendance à toutes sortes d’écrans. Alors nous venons ici pour nous recueillir, ressaisir tout ce qui est éclaté en nous, et pour refaire une certaine unité de notre être.
– Nous pourrions parler aussi de la fuite des autres dans l’individualisme forcené qui marque notre culture. Ici, à l’Abbaye, nous n’échappons pas à la présence de l’autre. La cloche appelant à la prière, aux services, ou au repas, nous ramène -et nous ramène encore- sur le chemin de la rencontre et du partage.
– Et que dire encore de la réalité de notre petitesse, de notre inutilité fondamentale (serviteurs inutiles… Lc 17, 10) ? Nous pensons la fuir nous efforçant de nous convaincre que nous sommes indispensables. Nous voudrions croire que notre famille, nos amis, notre communauté, notre monde, ne peuvent pas se passer de nous, ne serait-ce qu’une semaine. Et pourtant…
Oui, venir ici, quelques jours ou toute une vie, ce n’est pas fuir, c’est faire face !
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix