De l’indispensable inutilité de la Prière
Parmi les lectures de cet été un article intitulé « De l’indispensable inutilité de la poésie » a suscité mon attention.
L’auteur, (Jean-Noël Cuenod) réagissait à la suppression de la seule émission radiophonique de poésie, de la grille de programmation de France Culture.
Essayons-nous à paraphraser tel ou tel passage en remplaçant le mot ″poésie″par le mot ″prière″ :« Ce qui fait résistance dans la prière (poésie), c’est son inutilité. Elle ne peut pas servir à baliser une carrière, à s’insérer dans la lutte des places, à amorcer la pompe à phynances. Elle ne saurait être, en aucun cas, un divertissement, c’est-à-dire une occupation qui détourne l’humain de l’essentiel. Au contraire, la prière (poésie) va à l’essentiel, alors que la société média mercantile impose le superflu. La prière (poésie) est dilatation de l’être ; elle l’aspire vers l’émotion spirituelle (esthétique). La société média mercantile est rétractation de l’être ; elle le rabougrisse dans sa seule dimension de tube digestif. »
Oui, la prière, le don gratuit de son temps et de toute sa vie, sont, sans doute, les actes les plus puissants de contestation d’un système dans lequel tout est marchandise. Charles Péguy, poète-priant, mettait ces mots dans la bouche du Christ dialoguant avec sa mère : « Tout se vend et s’achète et se livre et s’emporte, rien ne se donne plus, et moi j’ai tout donné. » (dans son poème Ève)
Poètes, artistes, priants, ardents bénévoles et bienveillants – de tous bords – sont des frères de sang, des apôtres de la gratuité. Ces hommes et ces femmes dont nous avons besoin pour espérer voir se lever sur notre monde un jour nouveau, préfiguration du Royaume dans lequel tout ne sera que gratuité car tout ne sera qu’Amour.
Une prière pleine de poésie, glanée aussi au hasard des rencontres gratuites de l’été :
« Seigneur, je t’adore, même si je ne sais pas ce que cela veut dire.
Je te remercie, même si c’est seulement avec des paroles.
Je te demande pardon, même si c’est sans une larme.
Je t’offre tout, même si je n’ai rien.
Je veux t’aimer, même si j’en suis absolument incapable. »
(Père Augusto Gianola, missionnaire en Amazonie)
+ Jean-Marc EYCHENNE, évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix