Parce que seule l’amitié évangélise !
Le frère dominicain, Adrien Candiard, me pardonnera sans doute de reprendre à mon compte la phrase accompagnant la dédicace de son dernier livre dans lequel il commente l’épitre de Paul à Philémon. J’ai souhaité m’arrêter sur ces mots, fort simples, car ils reflètent la démarche dans laquelle notre diocèse s’est engagé. Le quatrième chapitre de nos orientations a en effet reçu pour titre : « Une Église en état de sortie, manifestant l’amour de Dieu pour tout homme. » Le mouvement, ici dessiné, est à l’image de la « sortie » dans laquelle Dieu lui-même s’engage, en venant à la rencontre de l’homme pour faire alliance avec lui. Il ne vient pas comme un souverain souhaitant contractualiser une soumission et s’adressant à ses sujets, pour leur promettre une récompense ou pour les menacer d’un châtiment. Il se présente avec la gratuité de son amour, qui n’est pas conditionné par des retours attendus. Dieu attire notre attention, et parfois notre amour, sans menaces ou promesses, mais simplement en nous aimant. Et c’est le jour où nous expérimentons cela, intérieurement, que s’opère en nous un retournement, une conversion, modifiant radicalement notre relation à Lui et notre relation aux autres.
Nous nous interrogeons beaucoup aujourd’hui sur la dimension missionnaire dans la vie de l’Église. On parle volontiers d’un impératif renouvelé de mission et d’évangélisation. Avec le risque d’aborder cette question à la manière de commerciaux qui chercheraient à gagner ou à reconquérir des parts de marché. Mais si je vais vers l’autre pour qu’il devienne, comme moi, disciple de Jésus, suis-je dans la logique de Dieu lui-même, qui est celle du don gratuit, sans rien attendre en retour ? Ma manière d’aimer est-elle celle de Dieu ?
Adrien Candiard nous éclaire aussi sur cette question dans son lumineux petit livre : « Comment annoncer le Christ ? L’Évangélisation est d’abord une affaire d’amitié… Comme si l’amitié avec le Christ était une affaire contagieuse. Comme si nous n’avions d’autres moyens, pour annoncer à quelqu’un l’amour de Dieu, que de l’aimer à notre tour. »
Nos contemporains n’attendent pas de nous des leçons de morale ou de développement personnel (qui est le visage contemporain de la morale) ; ils n’attendent pas de nous de belles démonstrations philosophiques ou théologiques. Ils attendent principalement notre attention aimante, expression de l’amour de Dieu pour eux. Quand sera venu le temps, qui n’appartient qu’à Dieu, de la rencontre vivifiante, se posera alors (et alors seulement) la question du « que faire ? », « que croire ? ».
N’hésitons pas à lire ce petit livre de ce fils de Saint Dominique. Partageons les échos en nous de cette lecture avec quelques autres en le travaillant en petit groupe.
+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix