La vérité n’est pas une idée mais une présence.

par | 3/02/2022

 

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Il arrive que nous pensions que, pour un chrétien, témoigner de sa foi signifierait faire la liste, et expliquer, l’ensemble des vérités auxquelles il adhère. Mais, si nous nous engageons dans ce chemin ne commettons-nous pas une grave erreur (le contraire de la vérité !) faisant de nous les zélateurs d’une doctrine, d’une idéologie, de quelques idées, plutôt que des témoins de Celui que, par grâce, nous avons rencontré ? Comme chrétien, nous ne détenons pas la vérité, mais nous avons rencontré quelqu’un qui EST la vérité :

« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6).

En conséquence, le défi de la transmission de la foi n’est pas celui du partage d’un ensemble de connaissances qu’il faudrait assimiler, et auxquelles il faudrait adhérer, pour avoir la garantie d’être dans le vrai, contrairement à ceux qui, ne croyant pas ou croyant autrement, seraient dans l’erreur. Le véritable enjeu de l’évangélisation est celui de la rencontre avec le Christ. Christian Bobin nous explique cela de belle façon en écrivant :

« Il dit {le Christ} qu’il est la vérité. C’est la parole la plus humble qui soit. L’orgueil, ce serait de dire : la vérité, je l’ai. Je la détiens, je l’ai mise dans l’écrin d’une formule. La vérité n’est pas une idée mais une présence » (l’Homme qui marche).

Une présence…

En effet, pour nous, chrétiens, la vérité est une personne, et être dans la vérité signifie imiter le Christ, assumer son style de vie, sa manière d’être en relations avec Dieu, avec la création et avec les autres. Il s’agit de mettre ses paroles dans la trame de nos existences, et non d’en faire un ensemble d’idées qu’il faudrait nous efforcer de communiquer.

Nous retrouvons ici l’importance de la distinction entre être et avoir. Avoir la vérité, la posséder, finit par nous conduire, presque immanquablement à nier l’autre. Soit il adhère à mon corps de croyances, soit il est à combattre ou à convaincre. Alors que si, avec le Christ, je suis dans la vérité, je vais déceler chez l’autre ces parts de vérité, que mystérieusement Dieu y a déposées et cela va susciter chez moi de l’admiration : 

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25)

Tant et tant de pages d’Évangile nous montrent Jésus louant la vérité, la bonté, la foi et la sainteté de personnes loin du peuple d’Israël, loin des croyances, et parfois fort peu recommandables… Il est La vérité, et avec un flair infaillible, il en découvre des semences dans toutes les cultures et dans toutes les existences. S’il est si dur avec certains croyants c’est parce qu’il constate qu’en pensant détenir seuls la vérité morale et doctrinale, ils s’enferment dans un terrible et hypocrite « entre-soi ».

Comment essayer de dire cela autrement ? L’expression que tentent Paul Colrat, Foucault Giuliani et Anne Waeles, dans leur livre « La communion qui vient », semble assez heureuse :

« La communion à laquelle nous sommes appelés n’est pas un ensemble de présupposés (d’idées, de sensibilité, de références) partagées par les chrétiens. C’est même le contraire. La communion c’est l’amour qui nous décentre»

L’incroyable et utopique écoute (mais il y a des utopies fécondes) à laquelle le Pape François invite l’Église universelle – cette consultation tous azimuts, appelée synode – est ancrée dans cette conviction évangélique que la vérité que nous recherchons pour orienter la vie de l’Église et du monde, n’est pas détenue par une petite élite de « sachants » qui ambitionne d’être les seuls « décidants ». Nos rencontres vraies, de personne humaine à personne humaine, animées d’amour et de respect mutuel, nous permettront d’avancer ensemble sur le chemin de La Vérité, source de communion entre tous.

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix